Cheikh Seck NDONG
La cérémonie de projection du film documentaire intitulé «Voyage dans l’univers musical lébou», s’est tenue ce samedi 19 novembre 2022 au Musée des Civilisations noires. Organisée par l’Entente des Mouvements et Associations de Développement (EMAD), en partenariat avec l’Ambassade des USA au Sénégal, à travers son Fonds des ambassadeurs pour la préservation de la culture et le ministère de la Culture, la cérémonie a été rehaussée par la présence de M. Alioune Sow, ministre de la Culture et du Patrimoine, de S.E.M. Michael Raynor, Ambassadeur des États-Unis d’Amérique au Sénégal, de Pape Ibrahima Diagne, Grand Serigne de Dakar, de Youssou Ndoye, Jaraaf, etc.
L’animation était assurée par les artistes qui ont participé à l’album des musiques traditionnelles léboues : Gorgui Ndiaye, Ouzin Mbaye, Barham Ciss, Ndir Mbengue, etc. Sur le parvis du Musée, les invités ont été accueillis par les percussions et les pas de danse des troupes de ‘’ndaw rabbin’’. Sur le hall, ils ont pu découvrir les œuvres colorées de l’artiste plasticien Manel Ndoye sur la vêture et les danses léboues.
Après les mots de bienvenues et de remerciement du président de l’EMAD, Abdou Khadre Gaye, qui a préféré laisser le film porter son discours, Jaraaf Youssou Ndoye a pris la parole pour saluer l’engagement et les réalisations de l’ONG, non sans déclarer dans son langage croustillant que la paix vaut mieux que tout ce qui n’est pas elle, et que les hommes n’ont pas à porter le globe terrestre sur leur tête, mais à marcher dessus. Une façon pour lui de dénoncer les complications apportées à la vie sociale par certains. Dieu, dira-t-il, a créé la musique et la danse, pour soulager le passage des hommes sur la terre.
À sa suite le Grand Serigne de Dakar rappellera que les traditions (aada) sont plus anciennes que les religions révélées (diné) ; et elles sont belles. Si nous les négligeons et les perdons, dira-t-il, nous serons semblables à des feuilles mortes emportées par le vent. Nous sommes des musulmans, il est vrai, mais nous sommes lébous et fiers de notre lébouité. Pour finir, il encouragera le président de l’EMAD et le ministre de la Culture à se donner la main et à persévérer dans le travail de sauvegarde du patrimoine. Il saluera, en outre, la tournée aux autorités religieuse initiée par l’ambassadeur, tout en l’encourageant de continuer dans cette voie. Une des grandes joies du diplomate, dira son excellence, c’est d’immerger dans la vie culturelle du pays où il est en poste. Nous sommes réunis pour célébrer la culture léboue, pour honorer un peuple et sa contribution à l’histoire, l’art et la culture, dira-t-il. En célébrant les lébous et l’importance de ses traditions, nous célébrons tout le Sénégal et sa belle diversité. C’est pourquoi, dira le diplomate, le gouvernement américain s’est joint à ses partenaires sénégalais pour participer à la préservation de ce patrimoine pour les générations futures.
Quant au ministre de la Culture, il rappellera dès l’entame de son propos la façon merveilleuse dont la communauté léboue incarne la téranga Sénégalaise pour avoir accueilli toutes les communautés de notre pays sur la presqu’île du cap Vert. Ce que le lébou ne possède pas, il l’aura donné à son prochain: s’il l’avait gardé pour lui il serait plus riche que tous les autres, dira le ministre de la Culture, avant de délivrer un cours magistral sur le patrimoine et la richesse culturelle du Sénégal.
À la suite des allocutions, le film attendu a été un véritable voyage qui a fait découvrir au public les Tagaates ou chants panégyriques, les Kasaks ou chants de circoncis, les woyus ndiam ou chants de tatouage, les Bakks ou chants devises, les Bakkous ou chants gymniques, etc. Avant la projection, une minute de silence accompagnée de prières a été observée en hommage aux acteurs défunts du projet : les historiens traditionalistes Ndiaga Samb et Ngala Gueye, les cantatrices Adja Yakhara Déme, Fatou Ndoye Diagne, Anna Gueye et le consultant Samba Nor Ndiaye. Pour finir, des clés contenant l’album des musiques traditionnelles léboues et des catalogues ont été offerts au public.
Pour rappel, la sixième édition du Festival Mémoire des Pénc et Village de Dakar (FESPENC), qui est une manifestation commémorative de l’héritage culturel lébou, avait pour thème la sauvegarde des musiques traditionnelles. Ce choix est la résultante d’une préoccupation exprimée par la communauté au cours des différentes éditions du Festival organisé depuis 2010, et qui a favorisé l’expression d’inestimables ressources traditionnelles dont, particulièrement, une diversité de musiques, chants et danses rituels. Elle a été l’occasion d’une forte mobilisation des dépositaires autour de séminaires et d’ateliers de revisitassions et d’authentification du patrimoine musical en perdition.
En effet, il est noté que, malgré leurs fonctions fondamentales dans le vécu de la communauté, un notoire défaut de préservation et de conservation menace la survivance de ces ressources. Le processus a débouché sur des démonstrations dans les pénc et villages, la production d’un album à douze titres, d’un catalogue bilingue, de deux clips, deux numéros du journal Infos Pénc et d’un film documentaire. La septième édition du Fespenc est prévue de juin à décembre 2023.