Cette contribution est faite par un groupe de jeunes spécialistes en information documentaire en marge de la Semaine Internationale des Archives (8-14 Juin 2020). Conscients de l’apport des sciences de l’information documentaire au développement du Pays, Bassirou Diagne, Mamadou Dia, El Hadj Gora Sène, Pape Birane Diop, Oumar Ndiaye et Moussa Diaw ont conjugué leurs réflexions pour faire ce plaidoyer autour de la valorisation des bibliothèques et des archives qui selon eux peut faciliter l’émergence.
Le développement de l’Afrique en général et du Sénégal en particulier passera par la science, le savoir et la connaissance. D’où la nécessité de valoriser les métiers dont les objets tournent autour de la science, du savoir et de la connaissance. Parmi ces métiers figurent ceux de l’Information documentaire. Ces derniers, dont le rôle est essentiel pour le développement d’un pays n’est plus à démontrer, demeurent encore méconnus et timidement valorisés au Sénégal. Ce qui peut paraître paradoxal si l’on tient compte des ambitions du pays en matière de développement.
Loin de vouloir faire le procès des manquements précités, cette réflexion vise à montrer comment les métiers de l’Information documentaire peuvent contribuer au développement du Sénégal.
Nous avons fait le choix d’organiser notre réflexion autour des principaux aspects des métiers de l’Information documentaire, notamment ceux qui mettent en exergue leur contribution au développement.
Accès à l’information et développement : rôle et place des bibliothèques
Souvent perçues au Sénégal comme des institutions documentaires qui jouent uniquement un rôle patrimonial et culturel, les bibliothèques participent également au développement économique et social d’un pays. En effet, l’accès à une information utile et fiable du citoyen, en tant qu’acteur de développement est indispensable.
Pour être au coeur du développement, le citoyen a besoin des ressources informationnelles qui lui permettent de renforcer ses compétences et ses capacités de comprendre et d’agir ; de participer de façon active à la réflexion et à la mise en oeuvre de programmes de développement ; de prendre en main son propre en main son propre développement quel que soit le secteur et le niveau ; d’exercer pleinement ses droits civiques et politiques de façon libre et responsable.
La mise en place de structures documentaires qui sont, à la fois accessibles et capables de répondre aux besoins informationnels des citoyens permet de promouvoir l’éducation, la formation et le développement. Les lieux d’accès à l’information, au savoir et à la connaissance, que sont les bibliothèques, sont essentiels à la participation active des citoyens au développement du pays.
L’apport des professionnels de l’Info-doc au développement de la science
L’information scientifique et technique est la sève nourricière de la recherche scientifique.
Cette dernière est essentielle pour le développement d’un pays. En effet, la diffusion et l’exploitation des productions de la communication scientifique participe à impulser la recherche, la création et l’innovation au niveau des secteurs de développement. D’où la nécessité de faire connaître et de rendre accessible le patrimoine scientifique nationale.
Il est vrai que les technologies de l’information et de la communication ont largement modifié (notamment en termes d’autonomie) les processus de production, de validation, de diffusion, d’accès et mise à disposition de l’Information Scientifique et Technique aux usagers, mais paradoxalement, le professionnel de l’information demeure incontournable dans tout ce processus. En effet, le professionnel de l’information participe à la création des savoirs en ce sens qu’il est le pont entre l’information et l’usager. C’est lui qui localise l’IST, la met à la disposition du chercheur qui va l’utiliser pour en faire un autre élément de la communication scientifique.
Ainsi, le développement des collections scientifiques, l’aide à la rédaction documentaire, l’aide à la recherche documentaire sont autant de compétences que l’on trouve chez les professionnels de l’information documentaire à destination des chercheurs afin de les accompagner dans leur activité de publication scientifique. A cela s’ajoute la valorisation de la communication scientifique dans les archives ouvertes qui est devenue un sacerdoce pour ces professionnels de l’information documentaire.
Les archives : des outils au service de l’Administration et de la science
La Loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs définit les archives comme : « Les archives sont constituées par l’ensemble des documents quels qu’en soient la nature, la forme ou le support matériel, produits ou reçus par une personne physique ou morale dans le cadre de son activité publique ou privée. »
Issues de l’activité d’un organisme public ou privé, d’une personne physique ou morale, les
archives ont trois principales fonctions : “informer”, “justifier” et “mémoriser”. Ainsi, de par leurs valeurs administrative, légale et scientifique, les archives constituent de précieux éléments pour les organismes publics et privés, le monde de la recherche scientifique et les citoyens. D’où l’enjeu que comporte la gestion, la conservation et l’accès aux archives.
Au Sénégal, dans un passé récent, la mise en place de systèmes d’archivage et les pratiques managériales archivistiques ne faisaient pas partie des priorités des autorités. Cependant, nous notons que de plus en plus le besoin d’une gestion moderne et efficace des archives se manifeste au sein des organismes publics. En effet, une gestion optimale des archives peut se traduire en termes de performance et d’efficacité au niveau des services administratifs.
« L’occasion fait le larron », la crise sanitaire de la COVID-19 que nous traversons, nous amène à aborder un aspect peu connu des archives, notamment les archives médicales qui nous permettra par ailleurs d’illustrer l’apport des archives à la science.
En milieu hospitalier l’archivage des dossiers médicaux est une obligation et une responsabilité légale à assumer par les administrateurs hospitaliers. En effet, dès le premier contact du patient avec l’établissement hospitalier (hospitalisation ou consultation) un dossier (dossier médical) lui est ouvert. Le dossier médical a plusieurs fonctions : il permet d’assurer la continuité des soins, de faire de la recherche médicale et servir de preuve ou d’éléments d’information en cas d’action de recherche en responsabilité civile. En outre, l’archivage des dossiers médicaux permet de garantir la traçabilité, la crédibilité, la confidentialité, la pérennité et la communication « encadrée » de l’information médicale.
La gouvernance de l’information : un enjeu d’efficacité de bonne gouvernance
Le Sénégal ne pourrait disposer d’une Administration publique efficace et instaurer une politique de bonne gouvernance sans un certain nombre de préalables parmi lesquels figure la gouvernance de l’information. Cette dernière, qui nous intéresse dans ce présent document participe à l’efficacité et à garantir la transparence au sein d’un organisme privé ou public. D’où l’enjeu qu’elle comporte pour le Sénégal.
En effet, la mise en place d’une gouvernance de l’information pourrait permettre à l’Administration publique sénégalaise d’abord d’organiser et de maîtriser les informations et documents qu’elle génère dans le cadre de son fonctionnement et qui sont indispensables à la conduite de l’action publique; ensuite de garantir un accès rapide aux informations et documents nécessaires à la prise de décisions et à la fourniture de services publics aux citoyens ; et enfin d’assurer la traçabilité, la préservation et la conservation des actes et actions administratifs afin de répondre aux exigences de transparence.
Ainsi, la gouvernance de l’information, en garantissant la maîtrise, l’accès, la sécurité et la disponibilité des informations et documents (administratifs), contribue à éradiquer les lenteurs administratives, à faciliter les opérations d’audit et de contrôle et à permettre aux citoyens de bénéficier d’un service public de qualité et de jouir pleinement à leur droit d’accès à l’information publique.
Dès lors que l’efficacité de l’Administration publique sénégalaise et l’instauration d’une politique de bonne gouvernance sont des exigences pour le développement du pays, la gouvernance de l’information devient un préalable incontournable.
L’Intelligence économique comme bras armé des organisations
L’intelligence économique est une démarche à la fois organisée et cohérente qui vise l’agilité par un usage stratégique de l’information. C’est un outil qui permet à l’organisation d’évaluer l’ensemble de ses connaissances matérielles et immatérielles. En sus de cela, l’IE permet à l’organisation de connaître, de comprendre mais surtout d’anticiper sur son environnement. Cela dit, l’IE s’appuie sur le triptyque à savoir : la veille, l’influence et la protection économique.
Partant de là, nous constatons que l’IE est un excellent outil de pilotage qui pourrait permettre au Sénégal à travers ses organisations publiques/privées d’être à l’affût des marchés. La crise du Covid-19 a mis en lumière la dimension stratégique de l’information. Les renseignements généraux se sont trouvés en première ligne dans cette course aux matériels médicaux. Elles ont compris très tôt que la variable information est un actif stratégique dans une économie mondialisée.
Le Sénégal subira les effets pervers de la crise du Covid-19. Et pour faire face à ce tsunami économique qui se profile à l’horizon, le Sénégal peut atténuer le choc en faisant de l’Intelligence économique son arme de guerre. À l’aune de la guerre économique où l’information constitue le code de la vie des organisations, le Sénégal devrait mettre l’IE au coeur de ses politiques publiques. Une politique publique d’intelligence économique pourrait être le bras armé de l’Etat dans sa quête de compétitivité et de sécurité économique.
La Gestion Electronique de documents et l’Archivage numérique au service E-administration
La nécessité d’opérer la transition numérique des administrations n’est plus à démontrer. Les lenteurs administratives sont toujours présentes et constituent un véritable problème. L’une des solutions adéquates demeure la dématérialisation de certaines procédures. La stratégie « Sénégal numérique 2016-2025 » enclenché depuis 2016 tarde à faire ses effets pour plusieurs raisons dont la non implication des véritables acteurs du secteur numérique parmi lesquels les professionnels en sciences de l’information documentaire.
Le professionnel de l’information documentaire occupe une place centrale dans ces genres de système d’informations car étant au coeur du circuit de l’information de sa création à sa diffusion en passant par l’indexation. Il est donc appelé à se retrouver dans les phases de configuration et de mise en place de ces systèmes autour de la collecte, du traitement, et de la diffusion de l’information car étant une des ressources humaines qui maîtrisent le mieux les différentes facettes de cette dernière. Grâce à ses compétences, il concourt à une circulation immédiate de l’information du système, ainsi les processus et le travail collaboratif sont optimisés dans des proportions considérables. Les utilisateurs ne perdent plus de temps à retrouver les documents.
Cependant l’un des défis majeurs de la GED reste l’adoption des solutions afin de faciliter les procédures administratives et citoyennes et pouvoir par la même occasion assurer la sauvegarde du patrimoine documentaire national.
Le développement du Sénégal passera par la science, la bonne gouvernance. D’où le rôle essentiel que doivent y jouer les professionnels de l’Information documentaire dont le coeur de métier est l’information, autrement dit la science, le savoir et la connaissance. Les pouvoirs publics sénégalaises doivent intégrer la « donnée » INFORMATION DOCUMENTAIRE dans leurs plans et projets de développement, car elle est la base de toute entreprise qui se veut durable, pérenne et couronnée par le succès.