Par Cheikh Seck NDONG
La célébration du 49e anniversaire de l’Organisation sous-régionale, le mardi 11 juin 2024 au Grand Théâtre de Dakar, est placée sous le thème: «Renforcer l’unité, la paix et la sécurité régionales». Le ministre des Forces Armées, Birame Diop, qui présidait la cérémonie officielle a constaté la pertinence du thème général offrant l’opportunité de réfléchir, dans le cadre d’une Table- ronde sur les «Défis et perspectives de la CEDEAO à l’aube de son cinquantenaire».
Vidéo et images Cheikh Seck NDONG
Depuis la naissance de la CEDEAO en 1975, des initiatives hardies ont certes été prises par les Chefs d’Etat et de Gouvernement, permettant ainsi de faire de la région ouest africaine la communauté la mieux intégrée du Continent. Le Protocole sur la Libre Circulation; le Code de la citoyenneté communautaire, le Schéma de Libéralisation des Echanges, le Tarif Extérieur Commun, la mise en œuvre des grands projets d’infrastructures ainsi que les dispositions communautaires sur la bonne gouvernance, la paix et la sécurité en sont de parfaites illustrations. Mais à une année de son cinquantenaire, la CEDEAO demeure confrontée à des défis multiformes qui entravent l’atteinte de ses objectifs principaux.
Dans le domaine de l’intégration économique, il est possible de relever le faible volume des échanges intrarégionaux, les difficultés liées à la pleine mise en œuvre du TEC et du SLE, les barrières à la libre circulation, la faiblesse des recouvrements du prélèvement communautaire etc. Pour sa part, le projet de monnaie commune semble piétiner. Sur le plan de la démocratie, de la paix et de la sécurité, les acquis sont en recul depuis quelques années avec la montée en puissance des groupes extrémistes violents (Mali, Nigéria, Niger, Burkina Faso etc.), la multiplication des coups d’État et le non-respect des constitutions par certains Chefs d’Etat en exercice, dans un contexte où les citoyens expriment une forte exigence de renouveau politique.
Il convient, pour les organisations de cette de Dakar, de rappeler qu’en 2007, la CEDEAO avait adopté un plan stratégique dénommé Vision 2020 qui avait pour but de créer une région sans frontière, paisible, prospère et cohérente où les populations ont la capacité d’accéder et d’exploiter les ressources en créant des opportunités de développement durable et de préservation de l’environnement. La mise en œuvre de cette Vision était articulée autour de la promotion de la Paix et de la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance, la valorisation des ressources de la région, l’intégration économique et monétaire et la promotion du secteur privé. En somme, la Vision 2020 ambitionnait de passer d’une CEDEAO des Etats à une CEDEAO des peuples. L’adoption de la Vision 2020 a été accompagnée de la mise en œuvre d’une réforme institutionnelle ayant consacré le passage du Secrétariat exécutif de la CEDEAO (dirigé par 4 à 5 fonctionnaires statutaires) à la Commission de la CEDEAO, avec 15 Commissaires.
Mais l’évaluation de la Vision 2020 de la CEDEAO, lancée en 2019, avait permis de pointer les manquements essentiels qui freinent l’intégration de l’Afrique de l’Ouest. Sur cette base, a été adoptée la Vision post 2020 (appelée Vision 2050), laquelle vise à promouvoir: «un espace sécurisé, stable et en paix; une région dotée d’institutions fortes, et respectueuse de l’Etat de droit et des libertés fondamentales; une région pleinement intégrée et prospère; une région mobilisée pour la transformation, le développement inclusif et durable; une communauté de peuples totalement inclusive des femmes, des jeunes et des enfants.
Pour soutenir la Vision 2050, la CEDEAO a encore engagé des réformes visant, cette fois, à alléger la structure de management de l’Institution avec une réduction de la taille de la Commission qui est passée de 15 à 7 Commissaires. La mise en œuvre de cette réforme opérée sur la base d’études menées par le cabinet de consultant Maxwell Stamp Plc, a commencé en 2022 avec une forte concentration des départements et l’entrée en fonction des nouveaux Commissaires.
Mais au regard de la situation actuelle de la sous-région, peut- on être optimiste ? La Vision 2050 peut-elle véritablement réaliser les ambitions de la CEDEAO ?
Après deux années de fonctionnement, une première évaluation, même empirique, met en évidence la persistance, voire l’aggravation des difficultés. La question est de savoir si la structure de gouvernance de la CEDEAO ne constitue pas elle-même un frein à la réalisation des objectifs d’intégration. Telles sont, entre autres, les questions cruciales qu’il convient d’adresser dans la perspective de l’avènement d’une CEDEAO plus performante.
Outre la problématique de la nécessité, des conditions et modalités d’une nouvelle réforme de l’institution, il s’agira de discuter sur les défis et perspectives de la CEDEAO dans le domaine de la paix et de la sécurité, mais aussi dans le domaine de l’intégration économique et monétaire.
Cette Table-ronde vise à discuter de l’architecture de gouvernance institutionnelle actuelle de l’organisation et proposer des pistes de réformes qui accéléreraient le processus d’intégration; échanger sur la situation politique et sécuritaire de la Communauté qui pourrait être davantage fragilisée par la décision de retrait des pays de l’AES.
Il s’agit aussi de relever les difficultés liées à la mise en œuvre effective des instruments adoptés par la CEDEAO en vue de l’émergence économique de la Communauté (Protocole sur la libre-circulation, TEC, SLE, etc.); de réfléchir sur un recentrage de la CEDEAO autour de ses objectifs en proposant des stratégies, démarches et changements qui tiennent compte des aspirations des populations en termes de paix et de sécurité; de développement et de stabilité économique et sociale, dans le contexte de la mise en œuvre de la Vison 2050 de la CEDEAO.
A l’issue de la rencontre, une note de synthèse des propositions formulées devra être adressée à Son Excellence Madame le Ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. Cette note pourrait servir à enrichir la vision des nouvelles autorités politiques du Sénégal en matière d’intégration sous- régionale.