« Samuel ETO’O refuse d’être cet Africain qui se contente de peu »

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Pascal-Olivier Ouandji a 37 ans et vit actuellement à Ottawa, où il travaille pour le gouvernement fédéral du Canada. Mais avant ça, il est né au Cameroun, a grandi au Kenya, a été apprenti footballeur à Rodez, a suivi des études de journalisme, s’est lancé dans une carrière musicale sous le pseudo de Hopiho, mais surtout a été l’interprète puis un proche de Samuel Eto’o. Il raconte sa relation si spéciale avec la légende indomptable.
Hopiho, on t’a découvert en tombant sur le clip d’une chanson intitulée « Eto’o Ballon d’or » qui, comme son nom l’indique, est un vrai soutien à Samuel Eto’o Fils. Tu considères ça comme une injustice qu’il ne l’ait jamais eu, ce Ballon d’or ?
Selon moi, Samuel Eto’o aurait dû avoir le Ballon d’or en 2006. On l’a donné à Fabio Cannavaro, malheureusement, mais Eto’o avait gagné la Ligue des champions, il avait été l’homme du match sur la finale, il avait été le meilleur buteur du championnat espagnol… Les gens disent qu’il n’a pas disputé la Coupe du monde cette année-là et qu’il s’est blessé en septembre, mais le Ballon d’or est un trophée individuel. Même Zidane avait dit qu’il ne comprenait pas comment Samuel Eto’o s’était retrouvé derrière lui (le Français a terminé 5e, juste devant le Camerounais, N.D.L.R.). Mais la chanson Samuel Eto’o était aussi une manière de faire la promotion d’un livre que je lui ai consacré. Il y a un peu plus d’un an, je me disais que les journalistes m’appelleraient pour la chanson et que ça me permettrait de parler du livre.

Pourquoi une telle fascination pour cette personne ?

Si on parle autant de Samuel Eto’o, encore aujourd’hui, c’est parce que c’est quelqu’un de légendaire. L’interview qu’il a faite sur beIN est par exemple devenue mythique. C’est quelqu’un qui défraye la chronique, qu’il soit sur le terrain ou pas. Dès qu’il y a une interview de Samuel Eto’o, tu peux être sûr que ça fait du chiffre. Il ne laisse personne indifférent.

Son nom est d’ailleurs régulièrement cité par des artistes de musique urbaine. As-tu une explication à ça ?
Je pense qu’on le mentionne dans les chansons parce que c’est quelqu’un qui n’a jamais eu peur de montrer ses signes extérieurs de richesse. Ça fait partie de son personnage et ce sont des choses qui parlent aux rappeurs. Il y a, par exemple, cette vidéo sur YouTube où Usain Bolt regarde sa montre, Samuel l’enlève et la lui donne directement. Ce sont des petits épisodes comme ça qui ont forgé sa légende.

Qu’est-ce qu’il représentait pour toi, quand tu étais plus jeune ?

C’était une idole. Il a côtoyé des sommets que peu de joueurs africains ont atteints. En plus, c’est quelqu’un qui avait la réputation d’être très généreux. Par exemple, il a investi son propre argent pour bâtir un hôpital pédiatrique dans la ville de Douala. Donc du point de vue humain, c’est quelqu’un que je respectais énormément car il essayait de faire des choses pour son pays. Si tu m’avais demandé quelle idole je voulais rencontrer, Samuel Eto’o aurait été le premier nom que j’aurais cité. Ça c’est sûr.
Cette rencontre a eu lieu il y a dix ans…
C’était en janvier 2010, à la veille de la CAN en Angola. Il était venu au Kenya deux semaines avant le tournoi, pour se préparer mais aussi pour participer à une conférence de presse organisée à Nairobi par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).
C’était l’année de la Coupe du monde en Afrique du Sud, la première sur ce continent, mais aussi l’année internationale de la biodiversité. Le PNUE avait créé un partenariat avec Puma et, étant l’égérie de la marque, Samuel Eto’o avait été invité avec d’autres internationaux camerounais (Jean II Makoun, Achille Emana, Eyong Enoh et Mohamadou Idrissou). À ce moment, je faisais justement un stage au Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Sachant que le Cameroun et que Eto’o seraient impliqués dans le projet, je me suis battu pour en faire partie. Mais à la veille de la conférence de presse, ils se sont rendus compte qu’on avait besoin d’un interprète : Samuel Eto’o, même s’il comprend l’anglais, ne s’exprime pas aisément dans cette langue. Il est plus à l’aise en français et en espagnol. Moi, j’étais une des rares personnes bilingues dans les parages, on m’a donc désigné comme interprète. Évidemment, je n’ai pas de formation en interprétation, c’est un vrai métier, mais bon… Ils étaient dans une politique de réduction des coûts et j’ai accepté de le faire. Donc je me suis retrouvé à servir d’interprète à Samuel Eto’o le temps de la conférence.

Comment ça s’est passé ?

Très bien ! Il était content de tomber sur un Camerounais. Ça l’a mis à l’aise. On a à peu près le même âge, on vient tous les deux de Douala, on a pas mal de centres d’intérêts en commun… Ça a créé des atomes crochus. J’avais l’impression de le connaitre à force de le voir tout le temps à la télé, alors qu’en réalité ce n’était pas le cas. Mais sinon, il était super sympa. D’ailleurs, il m’a ensuite invité à un repas avec toute la sélection à leur hôtel. De là, nous avons créé un vrai lien d’amitié.

Justement, quel est son caractère dans sa vie privée ?
Il est aussi généreux qu’exubérant, dans la vraie vie. Il se sent investi d’une mission. Il a remarqué que les Africains sont souvent des gens complexés avec la réussite, qui pensent qu’ils sont censés être des gagne-petit. « Un Africain, si tu lui donnes un million d’euros, il sera super content, mais il ne se rend pas compte qu’il peut en gagner plus. Et en fait, dans sa vision à lui, Samuel Eto’o refuse d’être cet Africain qui se contente de peu. Il est tout le temps en train de revendiquer, de se battre pour être reconnu à sa juste valeur. Quand il signe à l’Anzhi Makhachkala, il disait à chaque fois : « Oui, j’ai signé pour de l’argent, mais je veux montrer aux autres Africains que tu peux devenir le footballeur le mieux payé au monde. Ce n’est pas un rêve inaccessible, tu peux l’atteindre » . C’est ça qui attire les gens et qui fait qu’ils le respectent : ce côté rebelle et révolutionnaire.
Tu penses que c’est grâce à ça qu’il a réussi à faire carrière ?
C’est grâce à sa force de caractère qu’il a réussi à s’imposer en Europe. Je sais que les footballeurs africains débarquant en Europe avec un profil offensif sont souvent replacés en défense ou à la récupération. C’est stéréotypé : tu es Africain, tu dois gagner des duels, il faut que tu t’imposes physiquement, alors que toi tu veux marquer des buts ! Je suis sûr qu’au début, on a voulu dicter à Samuel Eto’o ce genre de choses mais, avec son caractère, il a imposé ses propres règles. C’est ça que les gens admirent chez lui. Il ne doute jamais et c’est sûrement la raison pour laquelle il a fait une si grande carrière. Il a toujours confiance en lui-même, même dans les situations de crise. La seule fois où il a paniqué, c’est quand nous étions dans un avion. On allait vers un petit village au Kenya. Je voyais pendant tout le voyage qu’il n’était pas à l’aise, parce que dans ces moments, il n’a pas le contrôle.

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