Gouvernance foncière au Sénégal: le CRAFS favorable à une réforme de la loi sur le Domaine national…

0
165

Cheikh Seck NDONG 

Le Cadre de Réflexion et d’Action sur le foncier au Sénégal (CRAFS) a suivi avec beaucoup d’intérêts les débats nationaux sur la question foncière suite à l’audience de rentrée des Cours et Tribunaux présidée par le Président de la République Macky SALL le 18 Janvier 2022 dernier. Les discours prononcés au cours de cette audience ont attiré l’attention du CRAFS qui est interpellé en tant qu’acteur majeur ayant participé au processus de réforme. Ainsi, le CRAFS a exprimé face à la presse nationale et internationale, ce vendredi 21 janvier 2022, sa position et ses propositions issues d’un large processus de concertation avec les populations locales sur la réforme de la Loi sur le Domaine National.

 Pour une gouvernance foncière apaisée et profitable à tous et à toutes, le CRAFS favorable à une réforme de la loi sur le Domaine national tout en maintenant son esprit

Le CRAFS a suivi avec beaucoup d’intérêt les débats nationaux sur la question foncière suite à l’audience de rentrée des Cours et Tribunaux présidée par le Président de la République ce 18 Janvier 2022 et dont le thème était «Justice et conflits fonciers: application de la loi sur le domaine national». Ce thème intéresse particulièrement le CRAFS qui depuis sa naissance travaille avec les communautés de base sur des modèles alternatifs de gestion foncière permettant d’anticiper sur les litiges et de les maitriser localement quand ils surviennent mais surtout de promouvoir une valorisation des terres profitable aux populations locales et à l’économie nationale.

Fort de cette expérience, le CRAFS a activement participé au processus de réforme foncière porté de la Commission nationale sur la réforme foncière (CNRF) en tant que représentant des organisations paysannes et de la société civile. Cette participation s’est faite à deux niveaux: d’abord au niveau des travaux de la commission lors des sessions en plénières mais également à travers un processus participatif de consultation et de concertation avec les communautés locales pour recueillir leurs avis et préoccupations en matière de réforme foncière.

Ce processus consultatif à la base a débouché sur la production, avec l’appui d’experts fonciers (juristes, sociologues, géographes…), d’un document de contribution mettant en avant quelques principes qui méritent d’être rappelés dans le contexte actuel: le maintien de l’esprit de la loi sur le domaine national et le rejet de l’immatriculation généralisée ainsi que la privatisation des terres du domaine national favorisant la marchandisation des terres; la reconnaissance et le respect des droits fonciers légitimes des communautés locales qui vivent de la terre; le renforcement du contrôle et de la participation citoyenne dans la gouvernance foncière avec des instances paritaires de gouvernance foncière au niveau le plus rapproché des populations (commission domaniale élargie aux citoyens, comités villageois paritaires, etc.); la mise en place de voies de recours plus efficaces, simples et peu formalistes pour les populations qui se sentiraient lésées par une opération foncière (recours gracieux, recours administratif, valorisation des organes locaux de règlement des conflits, etc.).Ce document a été remis au Président de la commission nationale sur la réforme foncière, feu Moustapha Sourang, en Janvier 2016.

A travers cet acte, le CRAFS a voulu adopter une posture à la fois constructive et collaborative auprès de l’institution officiellement mise en place par l’État pour réfléchir sur la réforme foncière. Pour rappel, le débat sur la réforme foncière portait à l’époque sur l’opportunité d’immatriculer les terres du domaine national soit au nom de l’État soit au nom des Collectivités locales appelées aujourd’hui collectivités territoriales. La position ferme du CRAFS a été de dire que le domaine national, en particulier les terres à usage agricole, doivent rester un patrimoine national non cessible pour l’intérêt des communautés présentes et futures.

Les membres du CRAFS soulignent que ces terres ne doivent faire l’objet ni d’une immatriculation, ni d’une privatisation et ni d’aucune forme de marchandisation. Le CRAFS s’était plutôt prononcé pour le maintien de l’esprit de la loi sur le domaine national, mais avait tout de même recommandé une adaptation de cette loi au contexte, enjeux et défis de développement socio-économique durable du Sénégal. Le CRAFS avait opté pour le maintien des droits d’usage (synonyme de sécurisation du foncier dans le patrimoine communautaire) plutôt que l’octroi de droits réels notamment le titre foncier susceptible d’instaurer un marché foncier préjudiciable aux plus démunis notamment les communautés de base (agriculteurs, éleveurs…) et aux générations futures.

Entre 2017 et 2018, le CRAFS a organisé plusieurs tournées dans les différentes localités du pays pour assurer une large diffusion de ce document avec les acteurs à la base ainsi que la vision et les orientations de réforme qui le sous-tendent. Suite à cela et pour rester en phase avec les préoccupations exprimées par les communautés de base et autres segments marginalisés en matière foncière, le CRAFS a traduit en «éléments législatifs» la vision et toutes les propositions de réforme formulées, consolidées et stabilisées lors des différentes rencontres de concertation dans les différentes zones éco-géographiques du pays.

Pour davantage clarifier et faciliter la compréhension de ces «éléments législatifs», le CRAFS a produit un Exposé des motifs de cette loi et une Note explicative pour étayer et justifier les modifications à apporter à la législation foncière en vigueur. Aujourd’hui le CRAFS dispose donc non seulement d’un document qui expose clairement cette vision en matière de réforme mais aussi d’une proposition de modification de la loi sur le domaine national émanant des concertations avec les acteurs à la base et prenant en compte les enjeux de développement actuel.

Il est heureux de constater que l’ensemble des discours prononcés lors de l’audience de rentrée des cours et tribunaux y compris celui du Président de la République et les débats d’experts sur le foncier vont dans le sens de renforcer la conviction profonde du CRAFS et ses positions clairement affichées depuis plus de 5 ans.

  A la lumière de ce qui précède, le CRAFS: réitère son engagement à cheminer avec l’Etat du Sénégal et les différents acteurs concernés par le chantier de la réforme foncière pour une politique foncière et des instruments de gouvernance des terres performants, garantissant le respect des droits fonciers légitimes des communautés, une paix sociale durable et le développement économique inclusif de notre cher pays, le Sénégal; recommande la relance, au plus vite, du processus de réforme jusqu’à l’aboutissement de sa phase législative à travers un processus participatif et inclusif. Les efforts humains et financiers mobilisés dans le processus pendant cinq ans ne devraient pas être vains; exprime toute sa solidarité aux communautés de base qui ont été victimes de spoliations foncières et réitère sa disponibilité à apporter son soutien pour la défense de leurs droits à la terre.

En rappel, le Cadre de Réflexion et d’Action sur le foncier au Sénégal (CRAFS) a été créé en 2010 au terme d’un long processus de maturation qui a émergé́ en 2007 avec la survenue de la grande crise alimentaire dont les conséquences désastreuses sur les conditions de vie des populations rurales, singulièrement les plus pauvres, ont mis le foncier au cœur des enjeux de développement.

 Le CRAFS regroupe une trentaine d’organisations composées d’associations paysannes, d’ONG, de consommateurs, de femmes et de jeunes ainsi que de structures de recherche qui travaillent depuis plusieurs années sur la question foncière avec les communautés locales. Il est un cadre fédérateur d’échanges, de réflexion, de proposition et d’action pour promouvoir une meilleure gouvernance du foncier au Sénégal.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici