Pour limiter la pandémie de Covid-19, dont la deuxième vague touche actuellement de plein fouet le pays, le Sénégal s’est procuré 200.000 doses du vaccin chinois Sinopharm qui revendique une efficacité de 79 %. Il a déjà servi dans plusieurs pays africains (Seychelles, Zimbabwe, Égypte, Guinée équatoriale). Donc le Sénégal en est le premier utilisateur en Afriue de l’Ouest. C’est le résultat de partenariats bilatéraux avec tous les pays producteurs de vaccins pour parer au plus pressé. En effet, de manière souveraine, le Sénégal s’est procuré « le premier disponible …, tout simplement » (Le président Macky Sall, mardi 23 févrir 2021, sur France 24 et RFI) . L’Initiative COVAX pilotée par l’OMS, à laquelle le Sénégal a adhéré, ne disposait pas encore de vaccin, au moment où les pays développés ont commencé la vaccination.  Même si l’on sait que le Ghana a reçu, le mercredi 24 février, 600 000 doses du vaccin AstraZeneca/Oxford du fabricant Serum Institute of India. La première livraison mondiale de vaccins financés par le dispositif Covax qui vise à fournir aux pays à faible revenu leurs premières doses de vaccins anti-Covid.

Chaque pays est ainsi en train de peaufiner sa stratégie de riposte, dans un contexte où malgré les efforts, on assiste à une recrudescene de la pandémie. Toutes les énergies sont mobilisées. A l’instar des autres pays en Afrique, au Sénégal, le sentiment le mieux partagé est que la grande masse n’a pas toujours adhéré aux messages voire décisions prises par les autorités. Ce qui rend la lutte plus ardue. Alors des voisx autorisées s’élèvent pour apporter qui un éclairage, qui une proposition de révision voire une adaptation des stratégies aux contextes locaux. L’une de ces « voix », le Dr Papa  Ndary Niang, nous expose ci-dessous son analyse de la situation et donne quelques pistes de solutions. 

Ecoutons-le!

ABN- Dr Niang, quelle lecture faites-vous de la stratégie du Sénégal de lutte contre la pandémie, surtout face à l’équation de la transmission communautaire?

Dr Papa Ndary Niang – Il est vrai que lors de la première vague, les autorités sénégalaises ont pu, grâce à la sensibilisation sur le respect des mesures barrières, limiter la pandémie. Ce qui a valu au Sénégal une performance appréciable dans la lutte contre la pandémie.

Par contre, depuis l’arrivée de la deuxième vague, on a constaté que les cas communautaires continuent d’augmenter en dépit des mesures restrictives prises notamment pour les régions de Dakar et Thiès. Les populations crient leur ras le bol car les efforts de respect des mesures sont annihilés par la flambée des cas positifs et du nombre de décès. Le comité de gestion de crise devrait réajuster son approche car la bataille contre la pandémie n’est pas seulement médicale. Il y a d’autres paramètres que le médecin, soucieux de la santé du patient et de la santé publique, pourrait ne pas voir au regard de l’évaluation qu’il fait de la maladie à COVID 19 sous l’angle du risque sanitaire.  Les aspects socioculturels à mon avis n’ont pas été suffisamment pris en compte. Le couvre-feu dans sa forme actuelle ne fera qu’accentuer les contaminations, vu la condensation des populations à la descente dans les stations de transport en commun à partir de 16h. Un couvre-feu à 21h, même s’il reste dissuasif, n’a pas de réelle incidence sur la réduction des contaminations. Pour preuve, les cas n’ont pas diminué, pas parce qu’il y a une nouvelle variante au Sénégal, mais surtout parce qu’avec le couvre-feu, on accroit la psychose des populations de se retrouver dehors au-delà de 21h. La conséquence, ce sont des bousculades, des contacts rapprochés et l’oubli des gestes barrières, car personne ne souhaiterait passer un mauvais quart d’heure entre les mains de nos valeureuses forces de défense et de sécurité, même si l’on sait qu’elles font preuve de beaucoup de pédagogie et de compréhension.

Les Sénégalais n’ont pas la culture de descendre et d’aller prendre un café sur une terrasse. Ce sont des habitudes des pays du Nord et des Arabes, voire nos voisins des pays du Golfe de Guinée. C’est là un point d’amélioration. Les Sénégalais sortent surtout les week-end (mariages, cérémonies familiales, etc.). Et ça on n’y a pas travaillé pour rompre la chaine de contamination. En attendant que les populations se fassent vacciner, un confinement total obligatoire tous les week-end pour le cas de Dakar et Thiès serait judicieux. Le couvre-feu pourrait aller de 22h à 5h,avec toujours une interdiction d’ouverture des bars, des discothèques et autres types de salles de spectacle.

Les autorités devraient également revenir à plus de rigueur dans les mesures édictées au tout début, pour les cérémonies funèbres et autres formes de rassemblements. Aujourd’hui, lors des funérailles, c’est des dizaines de personnes qui viennent. Il est important de limiter les effectifs à 10 personnes au maximum. Les autres, au besoin, useraient de leurs téléphones pour filmer les cérémonies funèbres. Ces mesures devraient être appliquées à nouveau pour les baptêmes, avec un accès règlementé aux lieux de culte. Il faudrait également plus de rigueur dans le nettoyage hebdomadaire des marchés.

Enfin, la communication pour les tests fait défaut. Les populations connaissent les centres de tests pour les voyages, rares sont celles qui savent qu’elles peuvent aller se faire dépister gratuitement dans les établissements de santé dès qu’elles ont certains symptômes. Or, le dépistage volontaire aiderait à faire des bonds qualitatifs dans la maîtrise de la pandémie. Il est important que la communication aille également dans ce sens.

ABN – Aujourd’hui, c’est le vaccin qui fait débat, partout dans le monde, et le Sénégal n’est pas en reste. Que dites -vous aussi bien aux sceptiques qu’aux partisans?

Dr Papa Ndary Niang – Le vaccin demeure le seul moyen efficace et durable pour mettre un terme à cette pandémie. En attendant de vacciner toute la population ou d’atteindre l’immunité collective (soit 70% de la population), il est important de repenser les cibles. Le comité a prévu de vacciner le corps médical, les personnes de plus de 65 ans et les patients avec des comorbidités. La bataille de la santé publique pour cette pandémie ne saurait occulter d’autres acteurs de la santé publique. A mon avis, les vétérinaires, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes devraient faire partie des cibles prioritaires ; car ils sont avec les médecins les acteurs de la santé publique. Traiter exclusivement le coronavirus en occultant les incidences sur la santé et le bien-être des populations via ces autres acteurs serait une grave erreur. Si l’on occulte ces cibles de même que l’armée, il faut s’attendre à situations de « comorbidités induites » (maladies des populations du fait d’un déficit de prise en charge médicales de ces cibles oubliées, pour cause de Covid-19 ).

Toujours à propos de la vaccination, c’est une bonne chose que le Sénégal ait reçu ses premières doses. Maintenant, débute une toute nouvelle approche liée à la sensibilisation pour l’acceptation de la vaccination par les populations. En réalité, l’État a prêté le flanc sur ce plan. Le Sénégal étant déclaré pays en catastrophe sanitaire, à partir de là, la question du choix ne se justifie plus. Le Chef de l’État aurait pu utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés pour imposer la vaccination sans créer ce débat. En situation de guerre, on réquisitionne les bras valides pour appuyer les soldats. C’est la même situation, nous vivons une situation de guerre sanitaire, la vaccination devrait être obligatoire pour tous. Mais bon, le Sénégal reste un pays de dialogue, une bonne stratétégied de communication permettrait de ne pas en arriver à une telle extrême.

Pour un succès de la campagne de vaccination, la sensibilisation devrait être portée par les chefs religieux, le Clergé et aussi les pouvoirs publics, les hommes politiques de la mouvance au pouvoir comme ceux de l’opposition, devraient avoir un discours consensuel, rassurant, en acceptant par exemple de faire partie des personnes à vacciner en premier. Je suis persuadé que si nos guides religieux se vaccinent la bataille de la vaccination sera rapidement gagnée.

C’est de cette manière seulement que la pandémie pourra être définitivement maîtrisée.

Pour rappel, Le Dr Niang est vétérinaire hygiéniste alimentaire à la base. Consultant International en Stratégie et Management depuis 21 ans, avec une expérience globale de 29 ans, il dirige depuis 14 ans, le cabinet AFRIQUE EMERGENCE CONSEIL (AEC) qui travaille sur les questions d’émergence en Afrique, avec plus de 300 références dans 30 pays ACP.  » C’est mon cabinet qui a réalisé le projet IRESSEF du Pr MBOUP et le projet Service des maladies infectieuses et tropicales (SMIT) du Pr SEYDI. Pour dire que les vétérinaires et les médecins sont complémentaires en matière de santé publique. D’ailleurs, le Concept « One Health » développé par l’OMS et l’OIE va dans ce sens » , a-t-il tenu à préciser pour certainement prévenir tous ceux qui tenteraient de mettre en doute le fait qu’il soit une voix d’autoriseé pour parler de la COVID-19.

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*Dr Papa Ndary NIANG
Vétérinaire
Master of science en Biologie Animale
Expert FDA
Expert International en Stratégie et Management
Expert des Systèmes de Management ISO 9001, 22000, 14001, 45001, 17025, IFS/BRC
Auditeur Qualité, certifié IRCA
Directeur du Cabinet AFRIQUE EMERGENCE CONSEIL (AEC)

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