Le Dr Ousmane Gueye, Directeur du Service national de l’Education pour la Santé (SNEIPS) du Sénégal, par ailleurs Président de la Commission ‘’Engagement communautaire’’ du Comité national de gestion des épidémies, fait le point sur la stratégie de communication du SNEIPS pour promouvoir une bonne santé de la population, particulièrement en ces temps difficiles où il faut à la fois faire face à la crise de la COVID-19 et en même temps prendre en charge les autres pathologies.

Il a accordé un entretien exclusif à Afrikbreakingnews

Propos recueillis par Adama DIOP

Afrikbreakingnews – Monsieur le Directeur, présentez-nous votre service, que l’on voit toujours en première ligne, dans tout ce qui concerne la promotion de la santé ?

Dr Ousmane Gueye – Le SNEIPS est un service national qui a pour rôle et objectif la promotion de la santé, surtout dans le cadre de la prévention. Notre sacerdoce est de faire en sorte que les Sénégalais, dans leur ensemble, toutes conditions et obédiences confondues, sachent et maîtrisent les attitudes et comportements à avoir pour préserver leur santé. Nous arrivons à leur expliquer les spécificités des maladies en des termes très simples et par diverses voies de communication.  Elles savent ainsi comment se protéger et éviter telle ou telle autre maladie, et même quand elles sont affectés comment réagir et où se rendre pour bénéficier de soins adéquats. Vous le voyez, donc le rôle fondamental du SNEIPS est la promotion de la santé.

Dr Ousmane Gueye, Directeur du SNEIPS

Afrikbreakingnews – Sur quelles ressources (financières, matérielles, humaines) comptez-vous pour mener à bien cette exaltante mission ?

Dr Ousmane Gueye – Le SNEIPS est divisé en bureaux, avec un Directeur nommé par décret présidentiel. En plus du gestionnaire, il y a le bureau des éducateurs et celui affecté à la production audiovisuelle de supports d’information et éducatifs. En son sein, il y a bureau des archives qui conserve tous les supports, outils, documents, audios et films produits par le service. Soixante (60) agents mènent ce travail au service de la Santé, parmi qui, ceux chargés du numéro vert, des cameramen, des journalistes et des administratifs. Voilà pour ce qui concerne les ressources humaines. Sur le plan logistique, grâce à l’appui du ministère de la Santé qui alloue au service un budget de fonctionnement. Aujourd’hui, le SNEIPS abrite le numéro « Vert » du ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), un centre d’appel dotés de (16) seize positions. Il a été mis en place grâce à la fondation SONATEL qui a permis cette extension.

Afrikbreakingnews –Parvenez-vous à couvrir l’étendue du territoire. Avez-vous des antennes au niveau des régions ?

Dr Ousmane Gueye – Le SNEIPS a un maillage territorial très important. Au niveau des 14 régions médicales du Sénégal, nous avons mis en place des bureaux régionaux d’éducation et information pour la santé (BREPS) et au niveau des départements, nous avons mis à la disposition des 79 centres de santé, des éducateurs pour la santé les (EPS). Donc nous avons des répondants partout dans le pays.

Afrikbreakingnews –Depuis quelques temps, la quasi-totalité de ceux qui interviennent dans la stratégie de la lutte contre la pandémie du coronavirus au Sénégal, parle d’une mauvaise communication du Gouvernement. Certainement vous n’êtes pas de cet avis. Que leur répondez-vous ?

Dr Ousmane Gueye – Sur ce point précis, notre ligne de conduite est en phase avec l’esprit d’une parabole de notre ministre de tutelle, M. Abdoulaye Diouf Sarr. Il disait récemment que quand on est joueur, on doit jouer le mieux possible et ne pas s’occuper répondre à ceux qui critiquent au niveau des tribunes. Donc notre rôle, c’est de faire notre travail, communiquer, le mieux possible. Même s’il est toujours possible d’améliorer, le ministère est dans la même logique. Il en train de rendre compte fidèlement de la situation aux sénégalais. Et c’est ce qui est important : dire à la population ce qui se passe et comment éviter cette maladie. Sur ce point, personne ne peut reprocher quoique ce soit au ministère de la Santé. Il y a eu beaucoup de confusion dans cette crise. On parle de communication institutionnelle, de communication de masse, de communication personnelle. La communication pour le changement de comportement, le marketing social, c’est différent de la communication institutionnelle. Et comme nous sommes dans une logique de guerre qui implique l’apport de toutes les composantes de la Nation, nous ne pouvons qu’inviter ceux qui estiment que le Gouvernement n’a pas une bonne communication, à nous apporter leur contribution, en nous disant ce qu’est la bonne communication et comment la faire. Car nous sommes ouverts à toutes suggestions et critiques positives.

Afrikbreakingnews – Concrètement, selon vous, les stratégies de prévention mises en œuvre jusqu’ici, dans le cadre de la lutte contre la COVID-19, se sont-elles avérées pertinentes ?

Dr Ousmane Gueye – Aujourd’hui, ce que nous avons comme retour d’information sur cette stratégie de communication doit être analysé sur deux axes. Le premier aspect, c’est que notre stratégie de communication a permis de faire connaitre la maladie, ses signes et les mesures de prévention, au niveau de toutes les couches sociales et partout dans le pays. Donc sous cet angle, nous avons mis en œuvre une bonne stratégie de communication. L’autre aspect c(est l’appropriation. C’est-à-dire comment faire pour que la population s’approprie les mesures recommandées par le Gouvernement ? Et c’est à ce niveau que nous avons connu des difficultés et des résistances. C’est normal. Cela demande un changement de comportement. Et le changement de comportement exige des efforts de longue haleine. La science a montré que pour entraîner un changement de comportement, il faut au minimum cinq années. J’ai été agréablement surpris par les Sénégalais qui ont finalement adopté en masse le port de masque et le lavage des mains, en moins de deux mois. Il faudra continuer. Le ministère de la Santé a compris que cette lutte est multidimensionnelle et multisectorielle. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec des socio-anthropologues qui nous donnent des éclairages et des évidences sur le comportement face à la maladie.

Afrikbreakingnews – Contre Ebola, vous aviez gagné la bataille de la communication. Paradoxalement on a l’impression que l’expérience n’a pas beaucoup servi cette fois-ci , face à la COVID-19.  Comment expliquer cela ?

Dr Ousmane Gueye – Vous savez la fièvre à virus Ebola et la COVID-19 constituent des situations diamétralement opposées. Ebola est une pathologie qui était concentrée ici en Afrique, particulièrement en Afrique centrale (RDC) et en Afrique de l’ouest (Guinée, Liberia et Sierra Leone). Donc tous les efforts mondiaux étaient tournés vers ces régions. Ce qui a permis aux pays touchés d’avoir tous les moyens nécessaires pour faire face à ce fléau. Par contre, la COVID-19 est une pandémie. en effet, très tôt, , juste quelques mois après son déclenchement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a l’a considérée comme telle (mercredi 11 mars 2020, Ndlr). Elle avait déjà contaminé plus de 110 000 personnes dans le monde. Cela fait toute la différence. Les Etats Unis, la France, le Sénégal et tous les autres pays du reste du monde sont donc occupés chacun à prendre en charge leurs propres besoins. Vous comprenez par conséquent, que le niveau de mobilisation pour endiguer la maladie ne peut être que différent.  Nous nous sommes quand même inspirés des leçons apprises de l’épidémie à virus Ebola, pour mettre en place notre plan de riposte contre la COVID-19. Le Sénégal a certes connu beaucoup d’épidémies et s’en est sorti vainqueur, mais comme je viens de le démontrer, nous faisons actuellement face à une nouvelle maladie avec beaucoup d’aspects qui restent inconnus, même si on connait beaucoup de choses sur ce virus.Chaque jour, il nous montre un nouveau visage. C’est cela qui fait la complexité de la lutte, même dans les pays les plus développés. Mais si nous nous référons au plan mondial, nous avons des statistiques remarquables sur le continent africain. Je ne vous apprends rien en vous rappelant qu’à travers une vidéo largement diffusée, les médias européens et américains décernait un satisfecit au Sénégal, cité en exemple du fait de la pertinence de son plan de riposte contre la COVID-19. Et c’est ce qui est important à soutenir, surtout si l’on sait que nous avons un taux de létalité inférieur à la moyenne, un taux de positivité ou d’attaque inférieur à la moyenne. Et si on continue dans cette logique avec l’adhésion de toute la population, on peut s’en sortir.

Afrikbreakingnews –Pourquoi le Sénégal n’a pas encore réagi à propos du nouveau vaccin russe ?

Dr Ousmane Gueye – Le Directeur de la Prévention, le Dr El Hadji Mamadou NDIAYE, a très clairement répondu à cette question sur un plateau de télévision. Ce vaccin est peut-être en train d’être expérimenté en Russie. Ce qui est sûr, est que, nous suivons de très près ce qui se passe dans le monde entier, donc en Russie. Nous savons donc que le Président russe a affiché son ambition de mettre en production dès septembre 2020 ce qu’il présente comme le premier vaccin contre le coronavirus, baptisé Spoutnik V. Mais, nous savons également que l’OMS. attend encore une vérification indépendante et scientifique, tandis que le ministère allemand de la Santé a émis des doutes le mardi 11 août. Quand le ministre français de la Santé a été interpellé sur le sujet, il a juste dit qu’il n’avait pas à donner sa confiance à ce vaccin russe. Vous comprenez donc qu’à notre niveau, nous ayons décidé d’attendre que le comité scientifique et l’OMS se prononcent sur ce vaccin.  Sils valident officiellement ce vaccin, nous serons parmi les premiers à passer la commande. Pour le moment, J’encourage tous les chercheurs du monde.

Afrikbreakingnews – Quel message avez-vous à adresser à la population pour votre mot de la fin ?

Dr Ousmane Gueye – J’encourage et je félicite la population sénégalaise et particulièrement le personnel soignant. J’y associe tous les médias du Sénégal. Ils nous ont été d’un précieux apport dans la sensibilisation contre cette pandémie. Donc je les encourage et les félicite au nom ministre de la Santé et de l’Action sociale. J’en profite pour exhorter toutes ces parties prenantes à redoubler d’efforts, à suivre les mesures barrières, notamment le lavage des mains, le port obligatoire et systématique du masque et la distanciation physique. Il faut que les Sénégalais s’approprient durablement ces gestes.

 

 

 

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre nom ici
S'il vous plaît entrez votre commentaire!