L’initiative est venue d’une discussion avec Cheikh GUEYE, Samir AMIN, et d’autres… On a vu qu’il y avait beaucoup de rapports faits sur l’Afrique, par la Banque mondiale, le PNUD, le FMI …qui, à chaque fois, donnent leur vision particulière de l’Afrique. En tant qu’intellectuels africains, généralement, nous ne nous retrouvons pas dans ces rapports à 100% et pourtant ce sont ces rapports qui influencent nos décideurs politiques. Donc, on a décidé de mettre en place un cadre où les Africains pourront définir leurs indicateurs et se positionner vis-à-vis de ces rapports, mais également donner une autre vision de la marche de l’Afrique et c’est comme ça que le RASA (Rapport Alternatif Sur l’Afrique) s’est constitué, sous la direction de Cheikh GUEYE.

C’est sûr que ce n’est jamais évident mais c’est un espace qu’il fallait occuper et l’avantage qu’on a parfois, c’est que dans le monde de la recherche en Afrique, beaucoup de chercheurs sont des panafricanistes, des militants. Ce qui fait que quand on les interpelle sur ce qui concerne l’Afrique, ils sont généralement partants et se donnent corps et âmes. Donc c’est ce qui a facilité les choses. Il y a eu beaucoup de réunions de coordination à Dakar, Cheikh a fait des déplacements. Petit à petit, un noyau dur s’est constitué et on a pu produire et publier un numéro zéro et par la suite, le numéro 1.

La Fondation Rosa Luxembourg, tire son nom de Rosa Luxembourg qui est une révolutionnaire théoricienne socialiste polonaise, qui a par la suite acquis la nationalité allemande. C’est une Fondation de gauche, qui dispose de plusieurs bureaux en Afrique, dont celui d’Afrique de l’ouest où je travaille. L’objectif c’est d’accompagner les mouvements et intellectuels progressistes et les initiatives de ce genre. Si on est convaincu par la solidarité internationale, il faudrait aussi travailler partout avec des forces qui participent à travers leur réflexion et leurs actions à l’auto-détermination des peuples.  C’est cela qui a motivé la fondation Rosa Luxembourg à s’investir dans l’appui de projets en Afrique.

C’est ainsi qu’elle a voulu accompagner le RASA depuis le début, une initiative bien perçue à Berlin où nous avons notre siège. En effet, pour une fois, les Africains se positionnent sur des questions majeures selon leurs propres perspectives. C’est important que ceux qui sont ailleurs puissent savoir ce que les Africains eux-mêmes pensent.

La souveraineté c’est quelque chose d’important parce que nous avons été des territoires, des peuples colonisés. S’il y a une partie de la colonisation qui a été liquidée, il y a une partie qui reste et il faudrait y mettre fin. La dépendance est multiforme, elle peut être économique, diplomatique, technologique etc.…Le Rapport 1 du RASA a fait le point et montré tout cela, dans le cadre d’un débat ouvert, parce qu’il y a souvent des positions divergentes et ça s’est reflété dans le rapport pour dire quelles pourraient être les voies pour que l’Afrique ait beaucoup plus de souveraineté.

A l’époque, quand on faisait les premières réunions sur le RASA, on parlait beaucoup d’émergence, et Samir AMIN qui y participait, disait «Faites attention! Quand la Banque mondiale parle d’émergence, elle fait allusion aux marchés émergents, des marchés qu’il faut organiser pour le bénéfice de la finance internationale. Donc ce qu’il faut, ce sont des sociétés émergentes, souveraines. Et c’est dans cette voie que le RASA s’est inscrit. On a bon espoir qu’on pourra continuer avec tout le groupe car il y a avec des gens bien déterminés, comme Cheikh GUEYE, Abdourahmane NDIAYE, Mouhamed BA et bien d’autres qui sont en Afrique du Nord, du Sud, de l’Est, donc c’est tout cela qui fait la richesse et la pertinence du RASA.

La souveraineté, c’est un terme pertinent parce qu’avec la pandémie on a vu que quand il y a eu des difficultés les pays riches ont fermé leurs frontières. Ils n’ont pas donné d’aide financière et pire, n’ont pas voulu partager les vaccins. Cela veut donc dire que lorsque vous rencontrez des difficultés, les autres ne vous aideront pas, par conséquent, vous devez vous prendre en charge.

Le RASA avait donc anticipé, avec pertinence, la problématique de la souveraineté, parce que tout cela a été dit, il faut la souveraineté d’un point de vue technologique, pharmaceutique etc. Pour comprendre ce que nous pouvons faire, il faut que nous allions à l’encontre de certains mythes qui développent des affirmations faisant dire que l’Afrique manque d’argent, de ressources, que l’Afrique n’est pas capable, … Généralement, c’est la rhétorique du manque. Il va falloir revoir tout cela, sortir un autre discours qui permet d’émanciper les Africains, de leur donner confiance afin qu’ils sachent et se convainquent qu’ils ont leur destin en mains, et qu’ils ont intérêt à être solidaires, rigoureux dans le travail, qu’ils peuvent contribuer au développement rapide du continent au bénéfice de toute la population. C’est cela le message du RASA.

Il faudra compter sur notre propre force. Nous en Afrique, on n’a pas tellement souffert de la pandémie, de ses conséquences sanitaires, on a plutôt souffert des conséquences économiques dues au fait que les économies des pays du Nord dont nous dépendons ne tournaient pas. C’est de cela que nous avons souffert. Si nous étions un peu plus organisés, un peu plus développés sur le point de vue technologique, nous aurions pu ne pas sentir autant les effets économiques de la pandémie. Il faudra tout faire pour intégrer d’avantage les économies africaines et aussi miser davantage sur les financements africains c’est-à-dire, dans les monnaies africaines pour permettre le développement du continent, donc une stratégie souveraine de mobilisation de ressources, c’est la voie indiquée par le RASA.

 Dr NDONGO Samba SYLLA, Development Economist, in charge of senior programs at the Rosa Luxembourg Foundation.

The initiative came from a discussion with Cheikh GUEYE, Samir AMIN, and others… We saw that there were many reports made on Africa, by the World Bank, the UNDP, the IMF … which, each time, gives their particular vision of Africa. As African intellectuals, we generally do not find ourselves in these reports 100% and yet it is these reports that influence our policy makers. So, we decided to set up a framework where Africans can define their indicators and position themselves with respect to these reports, but also give another vision of the march of Africa and that is how The AROA was formed under the leadership of Cheikh GUEYE.

Of course, it is never obvious, but it is a space that had to be occupied and the advantage that we sometimes have is that in the world of research in Africa, many researchers are pan-Africanists, activists. This means that when they are asked about Africa, they are generally willing to give their all. So that’s what made things easier. There have been many coordination meetings in Dakar, Cheikh has traveled. Little by little, a hard core was formed and we were able to produce and publish a number zero and then number 1.

The Rosa Luxembourg Foundation takes its name from Rosa Luxembourg, a Polish socialist revolutionary theorist who later became a German citizen. It is a left-wing Foundation, which has several offices in Africa, including the one in West Africa where I work. The objective is to support progressive movements and intellectuals and initiatives of this kind. If we are convinced of international solidarity, we should also work everywhere with forces that participate through their reflections and actions to the self-determination of peoples.  This is what motivated the Rosa Luxembourg Foundation to invest in supporting projects in Africa.

This is how she wanted to accompany The AROA from the beginning, an initiative that was well received in Berlin where we have our headquarters. Indeed, for once Africans are taking a stand on major issues from their own perspectives. It is important that those elsewhere can know what Africans themselves think.

Sovereignty is something important because we have been territories, colonized peoples. If part of the colonization has been liquidated, there is a part that remains and we should put an end to it, put an end to all of them. Dependence is multifaceted, it can be economic, diplomatic, technological etc… Report 1 of The AROA took stock and showed all this, in the framework of an open debate, because there are often divergent positions, and this was reflected in the report to say what could be the ways for Africa to have much more sovereignty.

At the time, when the first meetings on The AROA were held, there was a lot of talk about emergence, and Samir AMIN, who participated, said « Be careful! When the World Bank talks about emergence, it is referring to emerging markets, markets that must be organized for the benefit of international finance. So, what we need are emerging, sovereign societies. And this is the path that The AROA has taken. We are confident that we will be able to continue with the whole group because there are determined people, like Cheikh GUEYE, Abdourahamane NDIAYE, Mouhamed BA and many others who are in North, South and East Africa, so it is all this that makes the richness and relevance of The AROA.

Sovereignty is a relevant term because we saw with the pandemic, when there were difficulties, the rich countries closed their borders. They did not give financial aid and worse, they did not want to share the vaccines. This means that when you have difficulties, others will not help you, so you have to take care of yourself.

The AROA had anticipated with relevance, the problem of sovereignty, because all that has been said, we need sovereignty from a technological point of view, pharmaceutical etc, … To understand what we can do, we must go against certain myths that develop statements that Africa lacks money, resources, that Africa is not capable,… Generally, it is the rhetoric of lack. We need to review all this, to come up with another discourse that will allow Africans to be emancipated, to give them confidence so that they know and are convinced that they have their destiny in their hands, and that it is in their interest to be united, rigorous in their work, that they can contribute to the rapid development of the continent for the benefit of the entire population. This is the message of The AROA.

We will have to rely on our own strength. We in Africa have not suffered so much from the pandemic, from its health consequences, but rather from the economic consequences due to the fact that the economies of the Northern countries on which we depend were not functioning. This is what we suffered from. If we were a little more organized, a little more technologically developed, we might not have felt the economic effects of the pandemic as much. We will have to do everything to integrate African economies and also rely more on African financing, that is to say, in African currencies to enable the development of the continent, so a sovereign strategy of resource mobilization is the way indicated by The AROA.

 

 

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